Comment ne pas rater une dissertation

Ici votre mission consistera tout d’abord à perdre un minimum de points (ce qui vous placera automatiquement dans la situation d’avoir la moyenne et un peu au-delà dès le départ, puis à gagner encore quelques points.

En fait les défauts qui font perdre des points sont les symétriques des qualités qui en font gagner.


Comment éviter de perdre des points ?

1.  Faites un minimum attention à la question qu’on vous pose. Vous ne pouvez pas répondre complètement à côté ou donner l’impression que n’importe quelle question qu’on aurait pu vous poser sur la notion principale de la question aurait donné la même réponse. Dans ce cas on assiste dans l'ordre de popularité : 
— à un faux plan dialectique où l’élève « pèse le "pour" et le "contre" » — ce que j'appelle la dissertation en « test comparatif » présentant les « bons côtés » ou les « mauvais côtés » de telle ou telle notion, les réduisant en général à leur « utilité ». En général, ce type de dissertation finit assez mal notée, sauf si elle parvient à sauver un peu la mise en ressemblant encore vaguement à un plan dialectique. C'est le cas le plus représenté d'inattention au sujet, jusqu'à représenter une grande partie des copies . C'est d'autant plus dommage qu'il suffit de lire la question. C'est bien d'ailleurs pour cela que les examinateurs tendent à être moins compatissants sur un défaut qu'il serait si facile d'éviter. Suivant le degré d'inattention on laisse passer ou on sanctionne plus sévèrement. L'inattention devient vraiment une faute ici.
—  à la récitation d’une leçon sur ce qui semble être le sujet principal — dans ce cas là on vous saura gré d’avoir appris votre leçon, mais vous serez à la merci de l’éloignement plus ou moins cosmique qui séparera le sujet de votre réponse. Dans les faits les correcteurs tendent à donner une prime à la leçon apprise, mais celle-ci ne peut être que relative. Il peut arriver, si le rapport au sujet se tient encore à peu près que l'auteur d'une telle récitation parvienne néanmoins jusqu'à deux ou trois points au-dessus de la moyenne. Encore une fois, on parlera de "prime au travail" ici.
— au hors-sujet caractérisé. Le hors-sujet au sens strict,  cela va de la simple incompréhension de la question au pur exercice free-style à un tel point où l'on peut se demander si l'élève a vraiment lu le sujet. Ici, l'examinateur essaie encore de faire preuve de compréhension en cherchant pourquoi l'élève n'a pas répondu à la question. S'il décèle une incompréhension du sujet, un quiproquo sur le sens de la question, il procédera souvent comme le font les professeurs de mathématiques face à une erreur en début de calcul : il cherchera si le reste tient à peu près. Sachez donc que si vous n'êtes pas sûr d'avoir compris la question, vous n'êtes jamais pour autant perdu : si vous essayez de tenir vos raisonnements, on cherchera le plus souvent à vous repêcher. Pour l'artiste du hors sujet, celui qui a tellement envie de parler d'un sujet auquel le sujet lui a fait penser, c'est plus compliqué. Dans les élèves coutumiers de ce genre d'exercice, on trouve parfois de bons rédacteurs qui peuvent poursuivre des idées intéressantes. Ici L'examinateur tentera encore de sauver l'élève, mais si vraiment le rapport au sujet est trop lointain, il pourra passer trois points au-dessous de la moyenne et au-delà. Il est toujours délicat de donner la moyenne à un hors-sujet, mais sachez que cela arrive. Il faut néanmoins dans ce cas que le hors sujet ne soit pas trop patent et qu'on puisse trouver deux ou trois choses qui le sauvent. Si c'est trop net, le 9/20 guette le performeur, mais si le rapport au sujet est encore décelable on voit des copies parvenir à 11 ou 12 sur 20 en étant pourtant assez éloignées du sujet.


2. Ne considérez pas la question comme un simple engagement à donner "votre avis" ou "votre opinion" de manière simplement argumentée. La dissertation est un exercice de réflexion, pas d'argumentation unilatérale. Elle doit dégager des problèmes et tenter de les résoudre au fur et à mesure qu'elle avance (c'est ce qu'on appelle une problématique). Encore une fois on peut trouver différentes manières d'éviter les problèmes … pour mieux échouer.
le plan  monolithique. C'est l'erreur la plus courante. L'élève ou s'est laissé emporter par l'envie de "dire ce qu'il pensait" ou ignorait purement et simplement qu'on attendait de lui de faire un plan dialectique ou ce qu'on entendait par un plan "progressif". Il argumente tout le long du devoir la même réponse sans jamais en dévier. Pourquoi le faire puisqu'il connaît la réponse et a raison ? Or, c'est tout simplement ne pas jouer le jeu. On vous demande d'examiner une réponse pour y déceler des problèmes, pas d'expliquer tout le long de la copie à quel point vous avez raison. Dans tous les cas il risque d'avoir beaucoup de mal à passer au-dessus de la moyenne. S'il est trop flagrant pour le correcteur que celui dont il a le travail sous les yeux ne s'est même pas imaginé une seconde avoir à examiner des arguments contradictoires, la note risque même d'être assez basse. Quand l'erreur sur le travail attendu est trop importante il est difficile de sauver quoi que ce soit.
l'absence de problématique par fragmentation des contradictions. Là on assiste à un attentat contre la réflexion par bombe à fragmentation. L'élève ne cesse de se contredire et n'organise pas du tout sa réflexion. Dans le meilleur des cas on a encore par exemple une thèse et une antithèse. Mais la thèse est sans cesse polluée par des arguments qui devraient se trouver dans l'antithèse et réciproquement. En général on a affaire ici à quelqu'un qui cherche à bien faire, mais en procédant ainsi il aura bien du mal à aboutir à la moindre conclusion, et il n'y aboutit en général pas, d'ailleurs. La note pourra être moins basse que dans le premier cas, parce qu'il y a un effort de réflexion. Si le devoir est tout de même plus ou moins organisé en "parties" on peut même espérer passer la moyenne, mais de peu.


Kant, Présentation des leçons du trimestre d'hiver 1765-166

L'étudiant qui sort de l'enseignement scolaire était habitué à apprendre. Il pense maintenant qu'il va apprendre la philosophie, ce qui est impossible car il doit apprendre à philosopher.

3. Ne faites pas l'impasse sur le cours et ne l'utilisez pas à tort et à travers.
Beaucoup d'élèves ont du mal à comprendre ce que signifie "apprendre sa leçon" en philosophie. Deux grandes tendances problématiques se dessinent ici : 
ceux qui pensent qu'on n'a pas besoin de relire ses cours et que les références philosophiques sont trop rébarbatives pour valoir un regard. Ils pensent qu'il faut, comme on l'entend le jour du bac "y aller au talent". Ce sont en général parmi ces élèves que se recrute une partie non négligeables de ceux qui vont se contenter d'argumenter "leur opinion" sur la question. Or, ne pas relire et réfléchir aux textes donnés, ne pas réfléchir aux problèmes soulevés par les notions, ne pas revenir sur les distinctions de concepts, c'est ne pas faire le travail qui, constituera ce qu'on appelle une culture philosophique, c'est-à-dire une base de réflexion et des exemples dont vous pourrez vous inspirer pour vous mettre à philosopher.
— ceux qui estiment qu'apprendre son cours et le "replacer" dans les dissertations leur donnera automatiquement de bonnes notes. Or, si l'exercice n'est pas fait comme il se doit, c'est-à-dire en répondant précisément à la question, qui n'a pas nécessairement trait à votre cours, surtout le jour du baccalauréat et en cherchant par vous-mêmes une problématique, vous n'avez aucune chance d'aboutir à une disseration de philosophie. On retrouve le défaut noté plus haut : certains "placeront" la quasi intégralité de la leçon que semble faire intervenir la question… sans répondre ...
— De nombreux élèves enfin, dépités de voir qu'il ne suffit pas de replacer ses cours, passent du second camp dans le premier, n'arrangeant pas leur cas pour autant.

Anonyme qui veut perdre des points

L'animal a un instinct alors que l'homme pense, comme le montre la phrase de Descartes : "je pense donc je suis"

Concrètement, ne faites pas ces erreurs : 
ne récitez pas un cours aveuglément à propos d'un terme que vous voyez dans la question
ne récitez pas un cours que vous ne comprenez pas. Croyez bien que ça se voit.
ne recopiez pas des textes qui ne sont pas de vous en vous les appropriant (toute phrase empruntée sans aucun guillemet s'appelle un plagiat). Ca se voit aussi. Même si le correcteur ne peut pas retrouver votre référence (ou ne cherche pas à le faire) ça ne donne pas une impression positive de votre travail et n'incline pas à la clémence pour le reste de votre devoir, pour les hors sujets, etc.
ne "placez" pas une citation pour la "placer". L'intérêt d'une citation est d'appuyer votre réflexion ou de lui donner un nouvel élan. Si vous vous contentez de la noter sur votre copie et n'en faites rien, elle n'a aucun intérêt puisque ce qui compte c'est précisément ce que vous en faites. Plusieurs erreurs peuvent s'accumuler ici  :
1. Croire que le pouvoir magique de Descartes ou de Kant sauvera votre devoir, c'est du fétichisme. Autant faire appel aux pattes de lapin ou aux trèfles à quatre feuillles.
2. Croire au principe d'autorité. Ce n'est pas parce qu'un auteur célèbre a dit telle ou telle chose qu'elle est vraie (on peut trouver des citations contradictoires, parfois des mêmes auteurs). Elle est vrai parce qu'elle se tient, parce qu'elle montre quelque chose d'intéressant, et c'est cela qu'il faut mettre en avant. Autrement dit une citation n'est pas une preuve, mais si on l'a comprise et qu'on peut la faire entrer dans une argumentation, elle peut être une aide précieuse pour votre réflexion.


4. Enfin, faites tout de même un minimum attention à la forme de votre travail.
— Ne rendez pas une copie réduite à presque rien, c'est-à-dire à une feuille (un recto et un verso). N'oubliez pas que vous êtes censés avoir travaillé 4 heures sur votre copie le jour du bac et que vous devez vous placer dans les conditions du baccalauréat au maximum pour le faire. S'étalez inutilement ne sert à rien pour autant, mais il faut rendre quelque chose qui soit un minimum sérieux.
Soignez un peu votre orthographe et veillez en particulier à éviter des fautes qui semblent laisser croire :
1. ne comprenez pas ce que vous dites ("c'est" à la place de "sait", par exemple)
2. vous ne lisez pas le sujet ou le texte : ne faites pas de faute sur un mot contenu dans le sujet, cela fait une très mauvaise impression au correcteur. 
3. évitez les fautes sur les mots que vous avez vu souvent en cours pendant l'année (le plus grand classique reste "devoir de phylosophie" en haut de la copie). 
— Ne rendez pas une copie à la limite de l'illisible.




© Laurent Couvreur 2012